Je n’ai pas écrit ici depuis 3 jours avant mon accouchement. J’ai essayé plus tôt, et échoué : c’était jusque là juste une déferlante d’émotions, décousues, chaotiques comme moi.
40 jours se sont écoulés depuis la naissance, ce que certains appellent le « mois d’or », période sacrée et turbulente. Il m’aura donc fallu plus d’un mois pour avoir l’impression floue de retomber sur mes pattes.
Imperceptiblement, jour après jour, je suis redevenue un peu plus moi-même.
Pourtant, tout a changé et moi aussi.
J’écris cette fois avec un bruit blanc qui sort d’une étrange machine posée sur la table (au nom très approprié de « machine à bruit blanc »), non pas pour m’aider à me concentrer, mais pour calmer bébé et ses pleurs de fin de journée. Mes mains pianotent sur le clavier tandis que de mon pieds, je balance la poussette pour aider ma fille à se calmer. J’interromps ma lancée pour remettre sa tétine. Et pourtant, qu’est-ce que c’est jouissif de pouvoir à nouveau choisir des mots, les déposer, retrouver un peu de ma liberté.
Pendant toute ma grossesse, j’ai vu l’accouchement comme la ligne d’arrivée. Ça me semblait lunaire, d’imaginer que j’avais dans mon ventre un être humain qui bientôt, serait hors de moi. Quand je croisais des jeunes mamans dans la rue, j’admirais la force qu’elles devaient avoir eue de passer par ce voyage initiatique, de sortir d’elles-mêmes ce bébé. Je n’imaginais, n’envisageais pas la suite. J’ai tellement attendu mon congé maternité, que quand il est arrivé je n’ai pas eu la force ni l’envie de lire les livres sur l’après — je me suis dit que ce serait naturel.
Ce n’est pas un spoiler : j’ai pris une grosse claque.
En fait, l’accouchement a été beaucoup plus facile que la suite.
J’ai découvert les joies du baby blues — nom anglophone qui sonne comme une chanson des Beatles, peut-être pour édulcorer la dureté de cette chute hormonale tragi-comique (« comique » a posteriori seulement) et qui touche 8 femmes sur 10.
J’ai compris que l’allaitement, dans le monde actuel, est tout sauf inné.
J’ai compris que ma liberté, était désormais conditionnelle.
Moi qui insiste pour être toujours sur un pied d’égalité avec mon mari, j’ai découvert le déséquilibre instantané qui s’installe dès la maternité.
Moi qui aime « gérer », contrôler un peu ma vie et mes journées, les emmener en général là où je souhaite aller — j’ai découvert le chaos et la perte totale de repères.
Tout ça, pour les beaux yeux de l’être le plus fascinant du monde. Pour les joues les plus rebondies, la peau la plus douce. Pour le grand amour.
Le conseil le plus simple et efficace qu’on m’ait donné à cette période, il est d’un ennui fou :
Tout passe.
En plein dans le raz-de-marée du post-partum, j’ai croisé dans un café (un de nos premiers !) une connaissance qui m’a dit : « tu vois tout ça, tout ce monde autour de vous, cet univers qui continue à tourner — t’inquiète pas, le monde tourne sans toi pour l’instant, mais tu le retrouveras, quand ce sera le moment ».
Je n’arrive toujours pas à réaliser que l’on est parents. Parfois, au réveil d’une nuit entrecoupée, je suis surprise de la retrouver, la voir me fixer, émerveillée comme moi, sous le choc en tout cas. Je n’aurai jamais plus la même réalité. Plus jamais la même insouciance. Et faire ce deuil me ravit.
Recos du moment (je vous épargne les livres de maternité) :
Un livre : Felicità, de Serena Giuliano. Roman léger et totalement approprié aux soirées / nuits du post-partum, ou juste si vous avez envie de légèreté. Léger ne veux pas dire pas sérieux :)
Les citations retrouvées dans les notes de mon tél ces jours-ci :
“On pense que nos enfants ont besoin de nous en permanence alors qu’ils ont juste besoin de nous libérés de nos frustrations.” C’est de Sophie Astrabie et ça m’a beaucoup rassurée quand j’ai décidé d’arrêter d’allaiter au bout de 15 jours.
“Life is to serious to be taken seriously” (je ne sais plus d’où ça sort).
“On peut être inspirante et pleurer dans sa salle de bain.” (très à propos)
Un resto : Le Cornichon. On ne peut pas faire plus bobo que ce PMU remanié et redécoré ‘dans son jus’, dans un coin du 11e qui devient le repère des “early-adopters”. J’aurais adoré détester mais j’ai adoré et j’y suis retournée, surtout pour leur truite mi-cuite accompagnée de frites à tremper dans la sauce au beurre…
Un podcast : celui de Time to Sign Off avec ma meilleure amie Violette Perrotte, à la tête de la Maison des Femmes. Je n’ai aucune objectivité mais je vous promets, c’est brillant et nécessaire.
Tu décris si bien le bouleversement de la naissance d’une mère. Si ça peut te rassurer, j’ai toujours cette béatitude au bout d’un an. Mon cœur bat toujours autant dès que je réalise qu’une toute petite personne dort actuellement dans un tout petit lit dans ma maison, que cette personne me sourira dès que j’entrerai dans sa chambre comme on ne m’a jamais sourit. Comme si je lui suffisais. Et elle me suffit aussi 🫶
Ca me parle teeeeellement ! J’ai accouché le 28 avril et comme toi j’avais lu énormément de choses sur la grossesse et surtout l’accouchement en me disant “une chose après l’autre, l’après ça sera inée, j’apprendrai au fur et à mesure aussi et je lirai plus tard”. 🤡
Et malgré que je me sois souvent répétée que ça allait être un énormément bouleversement, je crois que je n’étais vraiment pas prête.